Victoire des indépendantises catalans: une solution pour lutter contre l’austérité européenne ?

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28 septembre 2015                                             

Benjamin Devos

Les résultats des élections régionales du 27 septembres sont sans appel: 62 sièges vont à la coalition « Junts Pel Si », 10 au petit parti indépendantiste et anticapitaliste CUP : au total les partis réclamant l”indépendance de la Région obtiennent la majorité absolue (72 sièges sur 135).

« Catalunya Sí que es Pot », qui regroupe les écolo-communistes d’ICV-EUiA (Iniciativa per Catalunya Verds-Esquerra Unida i Alternativa) [1], Equo (écolo-républicain) et Podem (Podemos en Catalogne) recueille 8,93% des suffrages contre 9,9% pour ICV-EUiA en 2012. Et perd 2 députés[2].

La montée en force des CUP

Les CUP (Candidature d’Unité populaire) passent de 3,95% à 10,01%, gagnent 7 députés supplémentaires passant de 3 à 10.

Le fait qu’une partie de la population catalane ait également accordé cette confiance à la CUP est un signal politique important.

La CUP qui existe depuis les années 1980, est un mouvement municipaliste anticapitaliste, prônant la conquête des institutions à partir de la politique locale: « C’est une manière différente de voir la politique. Qui part de la rue, des luttes locales ».[3]

Pour la CUP, l’indépendance de la Catalogne sera « l’occasion pour la classe ouvrière de construire une société libre ».

La pierre d’achoppement de l’indépendance entre la CUP et Junts Pel Si de la Région va se heurter au refus de la CUP de voir Artur Mas continuer à diriger la Catalogne, lui reprochant sa politique d’austérité.

La CUP a par exemple mené une vaste campagne pour le maintient du régime des pensions dans le cadre d’une future « République Catalane » : on voit mal comment une majorité avec les partis traditionnels catalans (CDC et ERC) appliquant déjà l’austérité parviendra à cet objectif…

Le succès de la CUP doit donc aussi être vu comme un signal envoyé à l’Europe : « beaucoup de Catalans voient désormais dans l’indépendance un moyen de défendre leur Etat-providence menacé par la politique de Madrid imposée par la « culture de stabilité » de la zone euro ».

La route vers une Europe des régions, et donc vers une division et un morcellement du monde du travail et des forces syndicales ne peut cependant pas être la solution pour combattre l’austérité des forces politiques et patronales au pouvoir en Europe. Sur ce point la CUP risque d’être fortement isolée parmi les forces européennes à gauche de la gauche.

Junts Pel Si, une alternative à l’austérité ?

La liste « Junts Pel Si », composée principalement par Convergence démocratique de Catalogne (CDC, droite), Gauche républicaine de Catalogne (ERC, centre-gauche). Des partis dont le programme socio-économique ne diffère pas fondamentalement du PP ou du PSOE : «Si l’on observe les préférences, surtout en terme de politique de dépense et de politique fiscale, la Catalogne est beaucoup moins de gauche que ce qu’elle affirme en réalité.» [4]

Une sorte d’union sacrée autour du projet indépendantiste, aussi partagé par une grande partie du patronat catalan qui considère qu’il « n’est pas acceptable de voir que nous ne profitons pas des services que nous finançons avec nos impôts, que nous avons perdu 300 milliards d’euros en trente ans, l’équivalent de huit plans Marshall, à cause du “déficit fiscal” et que nous ne pouvons pas avoir les infrastructures dont nous avons besoin. »[5]

Un discours qui résonne comme un drôle d’écho aux oreilles des italiens habitués à la Ligue du Nord ou aux belges qui connaissent l’ascension depuis plusieurs années de la très nationaliste et très à droite NVA.

NVA qui a d’ailleurs chaudement félicitée Artur Mas par la voix de son ministre président flamand Geert Bourgeois (N-VA) lui proposant «  renforcer les relations entre la Flandre et la Catalogne au cours des prochaines années »[6].

Autant de signaux qui doivent alerter les forces politiques qui en Europe se lèvent contre l’austérité et pour une Europe d’égalité, de développement économique régional et de solidarité.

[1] ICV est favorable à l’indépendance et EUiA (qui rassemble le PSUC-viu et les Communistes de Catalogne) préfère la construction d’une « République catalane librement fédérée à une République espagnole ».

[2] http://www.editoweb.eu/nicolas_maury/m/Victoire-des-independantistes-catalans_a9770.html

[3] http://www.rtl.be/info/monde/europe/catalogne-le-petit-parti-de-gauche-radicale-cup-incontournable-pour-les-separatistes-757586.aspx

[4] http://m.slate.fr/story/107357/pourquoi-pige-rien-independantisme-catalan

[5] http://mobile.lemonde.fr/economie/article/2015/09/26/en-catalogne-les-entreprises-s-inquietent-d-une-secession_4772905_3234.html?xtref=http://t.co/KK1kVxw99j

[6] http://www.rtl.be/info/belgique/politique/elections-en-catalogne-geert-bourgeois-felicite-artur-mas-pour-sa-victoire-757859.aspx